Des cochons sur des patinoires
Il fait gris et les morts me manquent, un en particulier, mais nous sommes si bien faits qu’ils s’accumulent par strates en nous. Magnifique alors de vieillir; il suffit de s’endormir pour y rêver, et le jour de sentir le manque en creux. Magnifique alors de veiller, car nous opposons à leur sagesse la folie (dans le meilleur des cas) des vivants, leur mesquinerie, leur idiotie, leur cupidité. Nous leur donnons, nous leur faisons crédit, aux morts, tandis que tout s’agite ici et que la colère ou la tristesse nous étreignent. Nous leur disons – et particulièrement, pour ma part, à l’un d’eux, récemment disparu – nous leur disons combien l’énigme est toujours aussi grande, sous les étoiles, malgré les météores qui tombent et les antennes et les satellites qui surgissent. Nous sommes faits d’énergie, leur disons-nous. Nous bougeons, nous nous agitons dans tous les sens. Nous faisons beaucoup de mouvements pour rien. Nous approchons des élections, nous vivons internet et ses faits divers, nous oublions pour mieux nous rappeler, à moins que ce ne soit l’inverse, nous fuyons le brouhaha. Oh, regarde, ce lettrisme, comme il est démodé. Et puis regarde, cette boucherie, on l’a fermée. Les villages se meurent, que voulez-vous… Mais il y aura toujours des cochons sur des patinoires…
Matisse dans un fauteuil
« Ce que je rêve, c’est un art d’équilibre, de pureté, de tranquillité, sans sujet inquiétant ou préoccupant, qui soit, pour tout travailleur cérébral, pour l’homme d’affaires aussi bien que pour l’artiste des lettres, par exemple, un lénifiant, un calmant cérébral, quelque chose d’analogue à un bon fauteuil qui le délasse de ses fatigues physiques. »
(« Notes d’un peintre », Henri Matisse, Editions Centre Pompidou, janvier 2012)