Encore
Repartis vers le Nouveau Monde. Direction le salon funéraire. Ma belle-mère chérie, deux ans après son mari. C’est épuisant. Les proches, au-delà de l’Atlantique, puis dans le ciel, comme l’on dit aux enfants. Aller honorer leur mémoire. Des pans de murs tiennent encore, ce sont des souvenirs à la consistance de chair. Sur une vieille maison, du crépi bleu, aussi bleu que le ciel où… ici comptine de son choix.
À mon retour, je tâcherai de trouver la mienne, de comptine, où il était question d’une petite poule rousse qui picorait du grain…
Le Maréchal absolu
« Il s’est encadré, immense, dans le chambranle de la porte qui figurait le cadre de son portrait en pied. Il s’y est arrêté un instant, comme s’il avait conscience que l’éternité le retenait là, l’installait pour l’inimaginable regard des générations futures. On sentait l’homme en proie à des accès d’éternité, comme d’autres sont travaillés par de vieilles maladies tropicales. L’éternité ne prévenait pas. Elle le saisissait, dans son encadrement de bois vert foncé, en robe de chambre grenat, ceinture à glands, pyjama de soie noire et charentaises brunes. Même dans ce négligé, il ne pouvait faire autrement que figurer le négligé, représenter à la face du ciel la plus intimidante des intimités. »
(Le Maréchal absolu, Pierre Jourde, Editions Gallimard, juillet 2012)