Autrefois
19 Juillet 2013 , Rédigé par Clotilde Escalle
C’est cette marge qu’il faut lui accorder, qui fait souffrir. Là où tout de la vie commune est remis en question, où la maladie prend place, cette dépression qui l’empêche d’entreprendre, d’aller même se promener… Tous les dimanches, couché, face au mur.
Tu t’es remis à fumer ? lui dis-je.
Il enfonce aussitôt sa cigarette dans la poche de sa veste. Il me toise du regard. J’ai dans la main la clé cassée de notre chambre d’hôtel. Il s’est réfugié au night-club. Seul à une table.
Tu peux t’asseoir ou partir, dit-il.
Alors que je voudrais être avec lui, dehors, profiter des vagues immenses qui font peur, fascinent aussi, là-dedans c’est la noyade assurée. Une telle puissance. Je voudrais simplement aller les contempler avec lui.
Tu exagères.
Lui : Ah bon ?
Ça semble l’amuser, lui plaire même.
Lui : Assieds-toi.
Sa complaisance envers lui-même me dégoûte. Je le quitte.
En sortant de la boîte de nuit (à son âge, encore là, comme un adolescent), je me dis qu’il faut lui laisser cette marge, cet espace où tout vacille, depuis lequel il s’est ingénié à me faire souffrir. Le laisser là où nous ne profitons de rien et avancer désormais seule.
C’était autrefois. Un autrefois qui parfois reprend de l’ampleur, le temps d’un rêve. Comme si ce rêve – ou cauchemar – me redonnait l’exacte profondeur de l’expérience, l’étendue du désastre. En me réveillant, un profond soupir.