Rencontre avec Pierre Jourde
Le 5 mars, date heureuse, celle de la rencontre animée par Pierre Jourde, autour de la parution de mon dernier roman, "Jérôme, tout au bord", aux Editions des Fables fertiles.
Voici le lien vers ce moment intense et léger à la fois :
Clotilde Escalle et Pierre Jourde à la librairie “À l’Ouest” (75014) ! – EDITIONS FABLES FERTILES
Jérôme, tout au bord
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« Le voilà dans sa ressourcerie. Il dit que c’est la sienne depuis qu’il a organisé le déménagement de sa mère morte et livré tout ici. Ne laissant dans la maison au crépi qui prend l’eau qu’un lit de métal, de quoi faire sa toilette, du gaz pour manger, un vieux buffet, des assiettes. Il y va aux beaux jours quand la chasse est terminée. Sinon il se terre chez lui, dans le même effroi que les bêtes traquées. Ne supporte pas les canonnades qui font déteindre les yeux des sangliers et des chevreuils. Ne supporte pas non plus les vaches et les veaux parqués. Parfois ne supporte plus l’enfermement de la campagne. Le sang, les pulsations comptées pour chaque bête. L’hiver jusqu’à s’y enliser et rester mouillé là-dedans comme un pieu qui pourrait par une absurdité quelconque se remettre à fleurir le moment venu. La télé sur le monde où la neige fond plus que de raison, une guerre éclate. Têtes qui bougent dans tous les sens. Son coupé, le petit écran à côté de la fenêtre. Une ou deux personnes passent rue de la Liberté, ils ont voulu l’appeler ainsi, comme si c’était possible. Silence, pas glissants et vêtements gris. Des rideaux pour se protéger l’été de la lumière effroyable. Il dit bien effroyable, comme si ça le dégoûtait. Et un cahier où noter ce à quoi il pense, quand ça revient de manière insistante, surtout au petit matin, au sortir du rêve. Les premiers mots comme un chapelet de prières. Sa propre identité, il dit propre en riant, car ça ne tient pas debout. Son identité, fils de, soixante-cinq ans, sa mère partie depuis un bout de temps. Rien d’ambitieux, que du petit nom. Jérôme Veulin. S’écoute dire son nom, le redit, ne s’y habitue pas. Il joue encore à ça, n’use pas du diminutif donné par la mère, ça lui ferait monter les larmes. Jiji, mon petit Jiji, aussitôt le collier de bras perdus. Et lui, s’enserrant comme il peut, un chiffon humide sur le front comme une main fraîche.
Les désirs insatiables
"Esquivons les désirs insatiables". Qu'est-ce qu'un désir insatiable. Tout comprendre. Se reposer. Repartir. Déchirer ceux et celles qui approchent. Mettre leurs visages de carnaval dans une malle avec les masques de James Ensor, chercher l'oreille de Van Gogh, la main qui écrit. Ranger les pensées fumerolles, ce jeune homme debout dans la cour d'une ferme, quelque part dans un film, désert américain. Ramener des langues natales, la mer au bout, la mélancolie des petits cafés bleus de nuit. Ranger la vastitude du passé et les souvenirs panoramiques dépliés en un rien de temps, une caresse sur son front de petite fille, l'amour espéré, bonbon qui fond collé au palais, contre lequel la langue vient, revient, les mots tendres et le chocolat au lait chaud qu'une vieille dame lui préparait. Dépoussiérer les rumeurs, les carrelages, les cheveux des morts, le buste de Beethoven, l'espace en soi, les prières et les souhaits méchants - faites que ma grand-mère meure, je ne la supporte plus, elle m'épie tout le temps. Reprendre les bonnes résolutions, une à l'endroit, une à l'envers, les chasser du revers de la main. Comme on feuilleterait un album photo. Ces silhouettes pour des riens. Ici, deux fillettes, la plus petite sur le point de disparaître, happée par la lumière.
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Au printemps
Pour fêter le printemps, quelques-uns de mes Oiseaux séjourneront dans ce lieu de rêve !
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Mes Oiseaux exposés à Paris en février - mars
Mes Oiseaux, flottants, fantasques, incandescents, survolent notre histoire, nos territoires, connaissent le monde, s'en font une raison, s'en éloignent momentanément, s'en échappent, partent à la rencontre des fables et de l'innocence. Chacun son caractère, comme un personnage de conte, une métaphore, un brin de poésie. Témoins inopinés, ils nous accompagnent, se posent ça et là, nous observent dans le tumulte des hommes livrés au fracas ou au contraire dans le retrait d'un espace solitaire qu'ils éclaboussent de couleurs.
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Temps
Du grenier à la table. Des compositions "artistiques", la volonté de présenter bien les choses, par séries, la fébrilité, l'attente. Le chanteur s'égosille sur des standards, micro mal réglé, des voitures anciennes sortent de leurs collections, on se souvient encore d'un outil particulier dans une langue rude, ça s'affaire et ça se promène, frites et beignets. Retour aux tables des temps anciens et des objets usés, mains là-dessus, marchandages de fragments de vies.
Extrait de l’entretien avec Clotilde ESCALLE publié dans DISSONANCES #43
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Écrivez-vous plutôt « pour » ou « contre », « dans » ou « hors », « malgré » ou « à propos de » ?
J’écris ailleurs.
Quelle est la part de la contrainte dans votre écriture ?
La régularité et le silence.
Que faites-vous quand vous n’écrivez pas ?
J’emmagasine. Sans m’en rendre compte, je m’immerge jusqu’à ne plus être, sauf à vivre dans la peau de l’autre. Sinon, vie quotidienne normale, je marche beaucoup, je peins – presque uniquement des oiseaux (des visages et des pommes, plus rarement).
Qui est votre premier lecteur ?
Mon mari. Il est un bon lecteur. Tact, esprit critique.
Qu’est-ce qu’un bon éditeur ?
Quelqu’un qui vous suit et vous soutient de livre en livre. Cet espace littéraire ouvert permet d’évoluer peut-être plus vite.
Que diriez-vous à un auteur cherchant son premier éditeur ?
Être un tant soit peu sûr de son manuscrit. Il existe sûrement un éditeur pour son univers. Ne pas en espérer beaucoup, ce n’est que le début. Sauf s’il a la chance de trouver… le bon éditeur.
Quelle fut votre première grande émotion de lectrice ?
Clown, d’Henri Michaux.
Que faut-il lire de vous ?
Ce que vous voudrez.
Votre ego d’écrivaine vous gêne-t-il pour marcher ?
Qu’est-ce qu’une écrivaine ?
Qu’est-ce que la poésie ?
Un…
…suite de l’entretien dans la version papier de DISSONANCES #43
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